La montée d’un management à distance creuse le hiatus entre le langage des prescripteurs,
qui est visible dans les dispositifs, d’une part, et celui des autres travailleurs, forgé progressivement
dans l’expérience de l’activité elle-même, d’autre part.
Or les dispositifs, pour être des produits sur le marché du management, sont renouve-lés au rythme de sa logique
commerciale. Nous assistons alors à sa sophistication et à son renouvellement effréné, dans une circulation rapide
entre les offreurs de «solutions» managériales, leurs clients, les revues spécialisées et les écoles.
Anglicismes («balanced scorecards», «reporting», «wording»), néologismes («employabilité», «leader naturel»,
«coachabilité»), acronymes («ERP», «CODIR»...) et mots politiques sortis de leur contexte («responsabilité»,
«diversité», «liberté»), laissent régulièrement les travailleurs perplexes dans la mesure où
ces termes ne permettent pas toujours de décrire, de coordonner et de penser leur propre travail.
La dérive des continents langagière est ainsi très fréquente dans les grandes organisations.Nous assistons également à la multiplication de termes visant à euphémiser ou contourner les choses qu’ils désignent,
comme dire «plan social» pour désigner un «licenciement massif», ou «faible diversité» au lieu de «racisme».
La grandiloquence tutoie régulièrement le discours de l’absolu («zéro défaut», «satisfaction totale», «excellence»).
Parfois, les mots disent l’inverse de ce que l’on fait (lorsque cette action est moralement douteuse),
ou bien sont exhibés pour cacher l’absence de la chose désirée.
4371 shaares