Pour que vous puissiez être le héros, il vous faut des seconds rôles : les NPC ou PNJ pour Personnages Non-Jouables. Ces figurants programmés pour vous indiquer le chemin, vous vendre une potion ou simplement errer dans le décor peuplent les mondes virtuels de GTA à Fallout en passant par Skyrim. Alors que les studios de développement rêvent de leur insuffler une âme grâce à l’IA générative, ces personnages truffés de bugs et d’incohérences fascinent aujourd’hui artistes et vidéastes.
Trop programmée pour être vraie, la Polonaise Nicki, moitié du duo Loczniki, sème le doute sur Internet. Avec son partenaire Oskar, elle fascine trois millions de followers grâce à sa gestuelle glitchée et son regard figé. Ce couple de danseurs installé à Poznan propose même des formations “Comment bouger comme un PNJ” pour apprendre à tourner en rond. Leur arme secrète ? Une maîtrise implacable du popping, cette technique de breakdance qui mime les robots.
Faire basculer le réel dans la fiction, c’est la spécialité de Killian Touel. Après des années à partager ses exploits acrobatiques en ligne, le Français décide de conjuguer sa passion pour le parkour avec l’univers du gaming. Ses créations, qui ne durent jamais plus de quelques minutes, exigent des heures de chorégraphie et de post-production.
Sur TikTok, des streamers capitalisent sur le phénomène, loin de la démarche originelle des “Real Life NPC”. Avec son “Ice cream so good!” répété en boucle, la Montréalaise Pinkydoll se transforme en camgirl mécanique et empoche les dons de ses abonnés sans ciller.
Dans un monde de plus en plus programmé, les PNJ nous tendent le miroir de notre propre condition. C’est en tout cas ce que pensent les Autrichiens de Total Refusal, pour qui les PNJ ne sont pas de simples figurants mais de véritables damnés du pixel. Ce collectif d’artistes infiltre les jeux mainstreams pour détourner leur logique et en extraire des œuvres vidéos. A la manière d’un documentaire animalier, leur film Hardly Working - entièrement tourné dans Red Dead Redemption - braque la caméra sur les personnages coincés en arrière-plan pour comprendre leur quotidien absurde et répétitif. Une critique des logiques d’exploitation qui dépassent le simple cadre du jeu vidéo.
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